Face à un danger, la peur est censée être bonne conseillère ; elle permet à tout être vivant d’adopter des conduites de protection adaptées au danger. Elle pousse au mouvement, grâce à l’instinct de survie.
La peur : une alliée ?
Néanmoins, la peur peut se révéler toxique lorsqu’elle devient une émotion installée, obsessionnelle, paralysante. Le traitement sociétal de cette pandémie génère un état de peur permanent, une psychose collective alimentée par les médias. L’incertitude quant à l’évolution de la pandémie, les informations et interdictions évolutives et contradictoires, le catastrophisme ambiant, le climat de suspicion, la peur du gendarme et la culpabilisation participent à une forme d’aliénation mentale déstructurante et anxiogène.
Selon le curseur personnel de chacun, les réactions face à la pandémie se manifestent de l’angoisse excessive paralysante à la désinvolture individualiste, en passant par la dissidence revendiquée. De la crise boulimique pour conjurer l’angoisse à l’anorexie prostrée. De l’adhésion sans fard au discours politico-médiatique au complotisme faisant feu de tout bois. Au final, les anti-complotistes laissent parler leur subjectivité en lien avec leurs peurs, alors que les complotistes donnent libre cours à leurs fantasmes.
Le complotisme en question
L’accusation de « complotisme » est un argument régulièrement utilisé par les politiques et les médias pour deligitimer des discours critiques et non orthodoxes. Les tenants sont présentés comme sectaires, mus par le ressentiment ou coupés du réel. C’est un argument d’intention qui équivaut à pratiquer un complotisme inversé. Il y aurait d’un côté le cercle du sérieux et de la raison, en politique, en économie et en science, et de l’autre côté, les farfelus qui ne cessent d’exploiter les fantasmes pour abuser le peuple. Le sociologue Edgar Morin définit d’ailleurs le complotisme comme » toute contestation d’une affirmation officielle ou d’une croyance largement répandue ». L’écharpage du peuple sur les réseaux sociaux, suite au documentaire « Hold Up » taxé immédiatement de complotiste par la Doxa exemplifie les rapports de force qui se jouent dans notre société, entre les dominants, les contestataires et le sens commun. Ce documentaire fait autant réagir car il utilise les mêmes codes de manipulation que l’autorité légitime de l’État. Il constitue une forme de contre-pouvoir proposant d’autres perspectives que le discours servis par les médias et le gouvernement. Et surtout, il utilise la même arme que les dominants pour générer un rapport de force : la violence symbolique
La violence symbolique : un monopole d’État?
Selon la définition du sociologue Pierre Bourdieu, le concept de violence symbolique constitue une forme douce de domination qui parvient à obtenir l’adhésion inconsciente du peuple par un conformisme cognitif lié à une intériorisation de la domination.La violence symbolique de l’État s’exerce alors avec la complicité active et inconsciente de ceux qui la subissent. Les réactions quasi unanimes du peuple français traquant le complot sur internet comme si c’était une arme de destruction massive et déclarant onctueusement avoir déjoué, grâce à leur esprit critique aiguisé, un dangereux piège de manipulation des complotistes exemplifient ce phénomène d’adhésion à l’ordre social des dominés à leur propre domination . Un cas d’école. L’État n’a même pas besoin de se positionner.
Mais alors, quid des réactions similaires et autres levers de bouclier lorsqu’un président de la république performe une allocution télévisée utilisant la rhétorique de la guerre, de la peur, et influence son peuple de propos trompeurs? La rhétorique est un instrument de manipulation des foules. Ce type de discours martial crée une illusion collective, modifie la réalité de la crise sanitaire et fabrique de l’illusion. « Nous sommes en guerre contre un ennemi commun » : cette phrase sortie de son contexte ne pourrait-elle pas être avantageusement déclamée par des « complotistes » de tous bords ?
« Hold up » crée un rapport de force, exerce une violence symbolique envers l’État en utilisant les mêmes armes. Dans « Le savant et le politique », le sociologue Max Weber affirmait que « l’État détient le monopole de la violence légitime ». Il faisait bien sur référence à la force, à la violence physique. L’État détiendrait-il le monopole légitime de la violence symbolique ?

Confinement ou ouverture de lits hospitaliers ?
Le traitement gouvernemental de ce virus cristallise un pan de l’ADN du néolibéralisme : la privatisation de la santé et le démantèlement progressif et insidieux du service hospitalier au nom de la rentabilité. Ne nous trompons-nous pas de thérapeutique en choisissant de traiter, à l’image de la médecine occidentale et de sa vision à court terme, le symptôme et non la cause ? Les moyens ne dévorent-ils pas les fins ? Lors de l’une de ses allocutions, notre président affirmait que « certains biens et services doivent être placés en dehors de la loi du marché », alors qu’en pleine pandémie, l’État continue de supprimer des lits. Indécence. Les services de réanimation hospitaliers sont déjà à l’état normal au bord de l’implosion, ce, depuis de nombreuses années. Chaque automne, les cas de grippe saisonnière les engorgent un peu plus. Rajoutons la pandémie actuelle et l’on obtient des mesures-rustines, à l’image du confinement.
La réalité de la crise sanitaire aujourd’hui : une infirmière de réanimation du CHU de Clermont-Ferrand témoigne :
« La contagiosité et les contaminations sont bien réelles. Les cas graves sont des personnes âgées atteintes de polypathologies (diabète, hypertension, obésité) qui les vulnérabilisent. Les patients restent quelques temps en réa puis sont mutés en service de cardiologie et récupèrent plutôt rapidement. Les patients plus jeunes sont rares. La dernière en date : une jeune femme de 25 ans souffrant d’obésité ».
Une société du risque
Selon Ulrick Beck dans sa « Sociologie du risque », lorsque les gens ressentent des risques comme réels, ils le deviennent. La perception sociale et politique du risque n’est pas toujours rationnelle. Leur gestion est censée être subordonnée à des études scientifiques faisant autorité. Cependant, la politique contemporaine est de plus en plus subordonnée à l’économie, les conflits d’intérêt sont légions et combien de médecins du conseil scientifique gouvernemental occupent des postes dans les laboratoires pharmaceutiques ?
Doit-on se laisser convaincre que le monde extérieur est dangereux ? Les virus existent, ils font partie intégrante de la vie. De nos vies. La fonte du permafrost lié au réchauffement climatique libère une palanquée de virus et de bactéries dans l’atmosphère. Alors quoi ? Va-t-on rester ad vitam aeternam confiné jusqu’à ce qu’un hypothétique vaccin sauve l’humanité ? Chaque année, malgré la vaccination, la grippe saisonnière tue. Il faudra désormais apprendre à vivre avec la Covid 19, à s’immuniser plutôt que de se cloitrer, à booster son système immunitaire plutôt que d’essayer de faire barrière, à travailler notre esprit critique pour ne pas nous conformer à des interdictions qui ne font pas sens pour nous. Pour paraphraser Sylvain Tesson, le vent plutôt que le formol.
Et si nous passions de la négativité de la peur à la positivité du désir? Et si nous transformions la phrase « J’ai peur d’être malade… » par « Je désire être en bonne santé… » ? Si notre désir est de rester en pleine santé, pouvons-nous alors décider d’une première chose que nous allons faire aujourd’hui pour entretenir notre santé ?

La peur, une alliée ? .. belle analyse ! Le complotisme, oui … d’autres perspectives !
J’adhère à cette affirmation : Les virus et bactéries en tous genres font partie intégrante de LA VIE … Tous vivants, toutes espèces confondues, sont et seront confrontés aux épidémies La fonte du permafrost en délivrera sûrement bien d’autres … La 1ere responsabilité des gouvernements est bien celle de donner PRIORITE ABSOLUE au domaine de la SANTE ..
Le confinement des populations est le recours des vaincus d’avance !
Bien dit !
Bravo pour ce texte Delphine
Marie
Merci Marie !