Fado dans les veines ou les voix de l’exil

© Jean-Pierre Estournet

Nadège Prugnard propose avec Fado dans les veines un nouveau spectacle choc qui traite d’exil, de migration sociale et des enjeux du Portugal d’aujourd’hui. Entre opéra rock et théâtre onirique.

La comédienne – metteure en scène clermontoise a puisé dans sa propre histoire pour monter Fado dans les veines, ou plutôt dans celle de son grand-père qui a fui le Portugal de Salazar. Elle a collecté des témoignages en France et au Portugal pour écrire un long poème qui traite de déracinement, d’exil, d’engagement, de militantisme, de résistance, de révolution des œillets. Nadège Prugnard met des mots sur des blessures pas totalement cicatrisées pour donner la parole à un peuple déraciné et plus particulièrement aux femmes, à une maman et ses deux filles. Rôles tenus par des chanteuses comédiennes accompagnées d’un trio de chanteurs musiciens multi instrumentistes. Le texte est poignant, grinçant, parfois drôle et heureusement, ça désamorce la solennité du propos, notamment quand revient de façon récurrente la menaçante : « Tiens, prends une beigne ! » chaque fois que la fille jouée par Nadège Prugnard en raconte ou en fait une de travers. La metteure en scène résume le texte en ces termes : « ça parle de violence, d’amour, de jouissance et de chaos, de sexe et de transgression en se jouant des trois F « Fado – Fatima – Football » tout en mettant en abîme les enjeux politiques, économiques et existentiels du Portugal aujourd’hui », texte qui a été récompensé par le prix de la Fédération des Associations du Théâtre Populaire et le prix de littérature dramatique décerné par Artcena, le Centre National des Arts du Cirque, de la Rue et du Théâtre.

Tiens, prends une beigne

Adepte du théâtre du choc et de la secousse selon sa propre définition, Nadège Prugnard a réalisé un spectacle dense et soutenu, alternant confessions, ressentis et souvenirs partagés avec des chants allant du fado au rock’n’roll coup de poing. « Tiens, prends une beigne » au passage. Fado dans les veines atteint cette densité grâce également au décor réalisé par le scénographe Benjamin Lebreton, un décor unique à plusieurs plans. En arrière-plan, derrière le rideau, le jeu repose sur des ombres portées, devant, la longue table s’avère l’élément central du décor. Côté cour, un petit plateau accueille l’orchestre, là où Nadège Prugnard libère son instinct animal devant un trio d’excellents musiciens, le collectif du Cheval des 3 (Radek Klukowski, Éric Exbrayat et Jeremy Bonnaud), seconds rôles de premier plan ou, si vous préférez, premiers rôles de second plan. Les deux autres chanteuses, la comédienne Charlotte Bouillot (la maman) et Carina Salvado (la deuxième fille) évoluent avec grâce aux côtés de Nadège Prugnard qui captive comme toujours le spectateur par sa présence scénique. Comme d’habitude avec la comédienne, elle met une part d’elle-même dans ce rôle. Carina Salvado est préposée au fado, sa voix vient en contrepoint de celle de Nadège Prugnard, plus rock’n’roll, plus arrachée, moins “pudique”. Carina Salvado joue en alternance avec Laura Tejeda Martin. La maman semble un peu plus en retrait, ses interventions sont rares, mais son rôle est essentiel. D’un point de vue de la mise en scène, elle maintient un équilibre harmonieux entre ses deux filles et les musiciens. Les différents tableaux proposés selon le placement des comédiens renvoient au romantisme du début du XIXe, la scène au couteau, la sirène, on pense à Théodore Géricault ou à Eugène Delacroix. Nadège Prugnard signe une fois encore un spectacle spectaculaire au plus près de l’os, événement créé au Théâtre des Îlets à Montluçon. Dès qu’il passe près de chez vous, précipitez-vous.

Extraits

« Un cercueil en bois c’est la forme du Portugal, Un rectangle taillé par l’assaut perpétuel de l’océan, Creusé par les sanglots des Carpideiras, Notre identité c’est d’être la fin du monde ! »

« Mon père l’immigration lui a bousillé la vie, Mon père il n’est jamais arrivé nulle part, Mon père c’est l’impossibilité de vivre c’est la peur d’exister, Il a renoncé à penser le monde, Il a idéalisé le Portugal qu’il réinventait dans l’exil, Mon père son retour est sans racines »

« Vatefouderche ! Oh « Carai » ! Ça veut dire va te faire foutre ! Vatefouderche ! C’est le seul mot que je connais en portugais, c’est comme ça que je dis bonjour. Tudo Bem ? Va te faire foutre ! Je trouve que ça claque ! »

« Les forces de la PIDE ont fracassé le crâne de mon père à la hache. Ma mère tenait son visage dans les mains en lui disant “Eu te amo, eu te amo, eu te amo, je t’aime, je t’aime, je t’aime” »

Site : Magma Performing Théâtre

Dates des représentations (doigts croisés) :

Du 18 au 23 janvier 2021 : Bagnolet : Théâtre de l’Échangeur

12 février 2021 : Pennautier : Théâtre Municipal Na Loba

4 et 5 février 2021 : Marseille : Théâtre de la Cité

12 mars 2021 : Ivry sur Seine : Théâtre Antoine Vitez

16 mars 2021 : Nîmes : Théâtre Municipal Christian Liger

18 mars 2021 : Lunel : Salle Georges-Brassens

20 mars 2021 : Villefranche-de-Rouergue : Théâtre Municipal

23 mars 2021 : Roanne : Théâtre Municipal

25 mars 2021 : Orléans : Théâtre Municipal Gérard Philippe

30 mars 2021 : Dax : Théâtre de l’Atrium

7 avril 2021 : Poitiers : Théâtre Auditorium

13 avril 2021 : Avignon : Théâtre Benoît XII

15 avril 2021 : Uzès : Salle de l’Ancien Évêché

17 avril 2021 : Millau : Théâtre de la Maison du Peuple

20 avril : Épinal : Auditorium de la Louvière

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Le fameux horoscope 2021

Cosméto-Chanvre : Espèce botanique Cannabis sativa L