Barbie, une icône féministe ?

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Le très attendu film « Barbie » sorti au cinéma le 19 juillet 2023, offre une découverte des nuances dans le monde réel, vu par l’emblématique Barbie qui représente un stéréotype de beauté depuis plus de 60 ans. Mais pas que… Plongés dans le noir, nous allons communier ensemble autour du patriarcat et de l’importance de l’acceptation de soi. Tout comme son jouet en plastique soudainement doué de conscience, le film est un paradoxe de bout en bout.

Libre et féministe, c’est ainsi qu’en 2023, Mattel souhaite nous présenter sa poupée vedette à travers le film éponyme, réalisée par la sublime Greta Gerwig à qui l’on doit Frances Ha, Lady Bird et Les Filles du docteur March. Je ne vais rien spoiler ici, je vais juste vous livrer le point de vue de la petite fille qui joua à la poupée mythique, celui de la jeune adulte qui l’accusa de tous les maux et de la femme qui redécouvre aujourd’hui, à travers le regard de Greta, la vie en rose.

Le point de vue d'une humaine

Barbie stéréotypée vit à Barbieland, une société matriarcale ou cohabitent tous les modèles existant de Barbie. À Barbieland, chaque seconde de l’existence est un chef-d’œuvre horloger, chaque Barbie est un rouage nécessaire au fonctionnement d’une société harmonieuse. Et bim! on verse alors dans le méta qui dit que cette perfection, les Barbies la doivent aux services qu’elles rendent au monde réel, en donnant aux petites filles humaines les clés du bonheur et de l’émancipation….  Prise d’un existentialisme soudain, Barbie va découvrir les pieds plats, la cellulite et le sexisme.

Comment devenir bipolaire en un film?

La vie c’est comme une barbie : c’est rose, des fois ça pique, parfois c’est drôle, quelques fois ça fait mal et puis ça guéri. Plongée dans l’univers qui m’a vu grandir, j’ai cru sentir l’odeur du plastique tant l’émotion était forte. Il faut dire que je me suis identifiée à absolument toutes les femmes (poupées ou humaines). Entrer dans le film fut trop facile, je crois que c’est louche… soit j’ai encore 5 ans, soit je suis pas loin de la sénilité. Vous l’aurez compris, j’ai eu ma première Barbie à l’âge de 5 ans. Elle était blonde, stéréotypée, une parfaite Margot Robbie. Puis j’ai eu Barbie Hawaïenne, Skipper, Barbie latino. Au fil du temps, je les ai toutes habillées, déshabillées, fait faire le grand écart. J’observais leurs « non » parties génitales et puis la troisième phase s’enclencha : je leur arrachais la tête, coupais leurs cheveux, je les démembrais. Si on suit la logique de ses détracteurs, vu que je fais moins de 2m12, à cette heure-ci je devrais être une tueuse de mannequins. J’ai juste un tee-shirt « Barbie is a slut », y’a pire comme vengeance sur l’objet.

Barbie, un film cynique ?

Donc, pour ses détracteurs, les ados et les Bratz, le film Barbie ne serait qu’une stratégie marketing pour Mattel, qui fait tout depuis quelques années pour se débarrasser du symbole d’objectification, d’hypersexualisation et d’assujettissement à des normes physiques irréalistes qui collent à la peau de ces poupées. Ce à quoi je réponds non. Le film Barbie est un divertissement éveillé pour les adultes et une gentille comptine pour les petites filles arrivées par accident devant un film qui parle de crise existentielle et de domination. Et d’ailleurs, les petites filles sont-elles ultra conscientes du pouvoir de leurs poupées? Partant de là, pourquoi les garçons n’ont pas fait un complexe d’infériorité voyant qu’ils ne pourraient pas devenir conducteurs de train, cowboys ou Mario Bros? Pourquoi nous, les filles, serions-nous plus influençables que les garçons dans notre prime enfance ? C’est juste une réflexion sexiste. CQFD.

La vie en rose (criard)

La première humaine que croisera Barbie dans le film est Sasha, une ado rebelle, et sa mère qui a révélé le pot aux roses (haha) et qui bosse chez Mattel. Je me suis tout de suite identifiée à cette maman qui souhaite si fort réhabiliter sa poupée aux yeux du monde. Toujours est-il que Barbie se prend alors une volée de bois verts et comprend que rien de rose n’existe dans ce monde. Sasha la rejète violemment. « Non, Barbie n’est pas un symbole d’émancipation mais celui de toutes les injonctions insuportables auxquelles les femmes sont soumises ». Barbie pleure… note pour Mattel : commercialisez-la et je l’achète direct !

Qu'en dit la firme Mattel ?

Nouveau coup de génie de Greta : Mattel est très vite représenté par des idiots. Et, me direz-vous, quoi de plus efficace que l’autodérision pour vendre du patriarcat? Encore une preuve que ce film n’est que méta et ambiguïté. Il faut dire que depuis sa création en 1959, l’entreprise joue sur deux tableaux. Elle a fait évoluer sa poupée pour la faire correspondre aux valeurs du moment. Face aux critiques d’une Barbie blonde stéréotypée aux courbes parfaites, Mattel s’est réinventé sans renier son modèle phare, en multipliant les métiers que Barbie exerce (on en décompte plus de 200) mais aussi en diversifiant ses standards de beauté (Barbie « curvy ») et d’inclusivité (Barbie trisomique…). C’est là qu’on voit aussi le génie de Greta Gerwig qui réussi à affronter directement l’ambivalence de son rôle: comment rester fidèle à ses idéaux féministes tout en vantant le produit sans cesse décrié pour sa représentation étroite et nocive de la femme ? Le film multiplie quand-même les délicieuses références sur le patriarcat façon Ken (vestes à franges chevaux indomptables et Mojo Dojo Casa (je ne spoile pas, je tease)).

Barbie, un film pour les anti féministes ?

Sans aller jusque là, je pense tout de même que ce film pourrait permettre aux derniers des Mohicans de voir que l’égalité des sexes c’est peut-être pas si mal. Le film peut les aider à comprendre qu’une société matriarcale où Ken est en souffrance mérite une évolution.
C’est en tout cas le parti prix de la seconde partie du film. Une fois dans le monde réel, Barbie et Ken découvrent les rapports de genres hiérarchisés qui viendraient des différences « naturelles » liées au sexe. Problème : les organes génitaux n’existent pas à Barbieland, la justification ne tient donc plus. Fin de la démo. Les masculinistes en PLS.

Faut-il aimer le rose pour aller voir Barbie ?

Le rose est une couleur profondément liée à l’artificialité. Elle existe assez peu dans le monde naturel, que ce soit chez les animaux ou les minéraux. En gros, on dit que la couleur rose parle de tout et son contraire. Elle véhicule des stéréotypes autant qu’elle les combat. C’est à la fois la couleur de la nostalgie et du conformisme, de la pornographie et de la femme-enfant. Selon mon père qui est venu avec moi par pure gentillesse, « si tu n’aimes pas le rose, ne viens pas, ça donne mal au coeur ». Fin de la critique paternelle.

Faut-il avoir plus de 13 ans pour aller voir barbie?

Si aux États-Unis, le film est interdit aux moins de 13 ans, vu de la France, on ne comprend pas vraiment pourquoi. Depuis sa sortie dans toutes les salles françaises, il y a des enfants. Des petites filles souvent. Je peux juste dire qu’elles n’ont simplement pas compris les subtilités du message et c’est… normal. Barbie est un film à plusieurs niveaux de lecture, comme le Petit Prince, Vice Versa, ou encore Bambi. Bref, messieurs les papas, n’ayez crainte, vos petites filles ne vont pas avoir envie de vous couper en deux en rentrant à la maison, elles mettront peut-être un peu plus de rose par contre.

Finalement, on se dit que ce Barbie est un peu disruptif, très intelligent et parfaitement réjouissant. On comprend bien que le film aurait difficilement pu s’avérer plus audacieux, vu qu’il est produit par Mattel herself. Enfin, on applaudit le fait qu’un projet mainstream qui parle ouvertement de patriarcat, de pensées dépressives et de « non » organes génitaux soit un tel succès au box-office. Et n’oublie pas le « femvertising » de Mattel : « Si tu aimes Barbie, ce film est pour toi. Si tu détestes Barbie, ce film est pour toi ». Amen.

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