Pourquoi il faut lire « Sex talk » de toute urgence ?

C’est quoi le dirty talk ? Le consentement c’est pas un peu nian nian ? Puis-je me masturber avec mon copain ou ma copine ? Peu d’ouvrages osent explorer la sexualité féminine avec autant de franchise et de profondeur que « Sex Talk » (en librairie depuis le 4 avril 2024). Une bible, qui aborde absolument tous les sujets, tabou ou non, de la bouche de Stéphanie Estournet et Olympe de Gê qui en connaissent un rayon sur ce qui se passe, et ce qui devrait se passer dans nos lits. Entretien avec deux papesses du savoir vivre sa sexualité avec respect, bonheur et spoiler alert : ça va être hot.

Olympe de Gê est une militante féministe. Elle réalise des courts-métrages sexuellement explicites et féministes, des podcast de porno audio et d’éducation sexuelle (Voxxx), elle a même réalisé en 2019 pour Canal + son premier long-métrage « Une dernière fois » au côté de Brigitte Lahaie.

Stéphanie Estournet est journaliste free-lance, après quinze ans à « Libération ». Elle est autrice spécialisée sur les questions de représentation des corps. « Nous avons déjà collaboré, Olympe et moi, notamment sur la biographie d’Olympe publié chez Larousse en 2021. Ce dernier livre « Sex talk » laisse à voir nos deux paroles qui peuvent être entrelacées, entre interview et mise en scène, entre recommandations à lire, écouter, essayer».

Scarlette Magazine : Une écriture a quatre mains, deux sexes et une langue, comment avez-vous fait ?

SE : « Sex Talk » est né de la volonté de démystifier la sexualité féminine dans toute sa complexité. Deux amies parlent de sexualité et apprennent à vivre leur désir en féministes militantes. 280 pages qui nous suivent dans des lieux, des situations, des réflexions autour des femmes, du sexe, des représentations, des stéréotypes, des combats et du féminisme bien sûr. Pour moi, il était important qu’on puisse poser le livre et le rouvrir en sachant où on en était et qui parlait car la richesse de ce livre est d’avoir deux paroles qui peuvent être communes tout en rassemblent un maximum de personnes qui ne pensent pas toutes la même chose.
OdG : Nous voulions offrir une plateforme où les voix féminines seraient au centre, où les récits personnels pourraient éclairer et inspirer.

Est-ce-que le sexe est un sujet politique ?

SE : Bien sûr que oui, il est un sujet politique. L’intimité amoureuse et sexuelle ont longtemps été considérées comme des sous sujets. Des féministes se l’approprient depuis les années 70 avec le MLF, puis maintenant avec des voix politiques qui émergent. Ce n’est plus un sujet de « bonnes femmes » un peu déprécié, et ça fait un bien fou car ce fut longtemps des impensés dans lesquelles se jouait pas mal d’oppressions d’auto pressions, d’inconforts. Le fait d’écrire là-dessus, ça permet d’offrir des outils d’émancipation dans la vie privée des femmes et des hommes aussi. Et ce livre légitime aussi le sujet, des signaux forts qu’il est intéressant d’aborder : le sexe, l’amour, les relations intimes.

OdG : Le charnel, c’est-à-dire la relation qu’on a avec son corps et celui des autres, est un sujet social, c’est construit, ça peut être analysé et changé. L’impensé est là, on a l’impression que notre rapport au sexe, à la beauté, est des choses naturelles, ancrées, immuables, construites. Alors que la pensée permet de prendre du recul et de retrouver une liberté plus personnelle.

SE : Oui et nous préférons que les théories féministes soient des outils dont on disposerait pour reposer, prendre, reposer et pour enfin se demander si ça nous convient ou pas.

Olympe de Gê et Stéphanie Estournet
Olympe de Gê et Stéphanie Estournet

Déconstruire la sexualité n'est-ce-pas un peu déstabilisant ?

SE : Ça peut oui, mais regarde : de dire que les femmes c’est comme ça, les hommes c’est comme ça, n’est-ce pas ça qui déstabilise le plus ? L’hétérosexualité pénétratine qui doit être le centre de nos préoccupations, ce n’est pas bon. Une myriade d’envies, de pratiques, doivent être déployées au service de cette hétérosexualité. Dans le livre on dresse le constat que cette parole existe et qu’elle nous bride, nous brime, la question est de déconstruire cette parole. La réponse est « faites-le ».

OdG : Et c’est là qu’on peut parler d’idéologie, sur cette hétérosexualité normative, c’est quelque chose qui nous semble naturel, alors que nous proposons de comprendre que c’est une parole dominante et donc qui peut nous oppresser et qu’il y a une autre voie(x).

La masturbation comme outil féministe ? Expliquez-nous ça

SE : Ha mais complètement ! Il faut parler de la masturbation pour désamorcer des rapports pour lesquels on se force au sein du couple. Bien dans mon corps je peux alors aborder la question du plaisir, non plus par rapport à l’autre comme plaisir que je me dois de lui donner, mais par rapport à moi. Comme un plaisir que j’ai envie d’éprouver.
La masturbation permet de se connaître et d’évoluer avec son corps. Elle est une sexualité comme d’autres. Cela permet de dire «Je n’ai aucune culpabilité et je sais qu’évoluer avec mon corps c’est évoluer dans la vie avec d’autres personnes.

masturbation feminine

OdG Il faut qu’on s’extraie de cette honte de se masturber. La peur d’être vue par une entité supérieure, peur que tout le monde le sache et qui continue à l’âge adulte, ce n’est plus possible. Il est sain d’en parler entre nous, parce qu’on ne parle pas de cette autosexualité, même entre filles c’est le sujet tabou ! La masturbation c’est la zone safe pour connecter avec son corps ce qui n’est pas toujours donné dans la sexualité partagée et cette sécurité est vraiment importante. C’est là où la masturbation est un outil féministe. Elle peut permettre aussi de désamorcer le devoir conjugal qui revient encore aujourd’hui dans les discussions. Est-ce que si j’ai un rapport sexuel avec mon copain alors que je n’en avais pas vraiment envie, je me respecte ?

Vous dites que la sexualité en couple n'est pas forcément partagée? 

SE : Il y a un autre truc pour se sentir libre par rapport à la masturbation dans le couple, c’est qu’elle permet de faciliter le rapport au niveau du consentement. J’ai envie, j’ai plus envie, je sens l’envie de l’autre. La masturbation dans ces moments-là, ensemble ou pas, ça ouvre un champ des possibles important.

OdG : Et puis enfin, la masturbation dans le couple est taboue, se toucher le clitoris pendant les rapports peut être jugé obscène, pour l’homme, ça lui dit « tu es là mais ton pénis ne me suffit pas ». Accepter l’option de « se finir » dans la salle de bains et l’option « je te regarde te donner du plaisir », ça ouvre plein de possibles.

Quid du « porno alternatif » qui serait un outil éducatif? qu'entendez-vous par là ?

OdG : Il faut savoir que parmi les adeptes, 70% sont des hommes contre 30% de femmes, c’est donc un porno fait par des mecs pour des mecs. Le porno alternatif porte l’idée d’être « présentes » en tant que femmes qui posent leur regard sur les corps. Cette forme de pornographie s’interroge, à la fois sur la façon dont il est produit et à la fois sur la façon de faire des films, en accord avec nos valeurs humanistes pour donner une représentation qui ne soit ni raciste ni sexiste. Il doit parler à tout le monde.

Parler pendant le sexe, vous nous dites que ce n'est toujours pas évident, ni facile...

SE : On connaît tous, plus ou moins, le dirty talk qui est une manière d’ajouter quelque chose via les mots, souvent crus, façon jeu de rôle. Mais dites-vous qu’on peut parler de tout, ou presque, et cela peut même être excitant…

OdG : Oui, car en général parler pendant l’amour, à part le dirty talk, on se demande quoi dire ? Il existe un tabou qui suggère que lorsqu’on entre dans le langage corporel, on cesse de parler et devient simplement des corps, en pensant que « nos corps se comprennent, les phéromones tout ça… », ce qui n’est pas vrai, du moins pas toujours.

Sex talk, par Stéphanie Estournet et Olympe de Gê aux éditions L'iconoclaste. 19,90€. En librairie et plateformes.

Que dire alors, sans être forcément crue ?

SE : Demander « est-ce que je peux mettre ma main à tel endroit ? Est-ce que ce que je fais te convient ? Veux-tu que j’aille plus vite, plus doucement, plus loin? L’échange de regards ne suffit pas forcément. Demander si ça va, aussi, tout simplement. Si on redoute de faire des phrases articuler pensant que grammaire et érection ne vont pas ensemble, il suffit d’utiliser le oui et le non. Vocalisez ! Ainsi, on va aller chercher le consentement à tout moment du rapport, qui va permettre de faire monter l’excitation, qui va accompagner le regard. On est dans un moment partagé, choisi, de tous les instants, en dehors des tabous.

Quels défis et espoirs pour les femmes nourrissez-vous à travers ce livre ?

OdG : Nous savons que l’engagement, le militantisme, c’est difficile, car le changement ne se fera pas tout de suite. Mais j’aimerais qu’on arrive à s’écouter, plus que tout, c’est le combat de ma vie, réussir à chasser la honte de mon corps et la mise en place de choses qui me font du bien.

SE : Pour ma part et par rapport aux différentes générations, j’aimerais qu’il y ait du lien entre les filles. S’écouter, se parler les unes les autres, parler avec les femmes de tous âges et toutes conditions c’est ce qui fait avancer. Nous espérons que « Sex Talk » encouragera les femmes à se sentir plus à l’aise avec leur sexualité, à embrasser leur propre plaisir et à revendiquer leur pouvoir.

OdG : Nous voulons briser les tabous et les stéréotypes qui entourent la sexualité féminine et ouvrir un dialogue ouvert et inclusif.

Un grand merci à Olympe de Gê et Stéphanie Estournet pour cette interview.  

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